Dialogue entre Christian et Roxane,
Acte III, Scène V, Cyrano de Bergerac. Edmond Rostand
Pastiche augmenté.
Université de Bâle, Institut de français. Tous les étudiants saluent
Roxane qui reste seule dans le jardin. Assise à une table, elle voit Christian
venir vers elle.
Roxane :
Ah c’est toi ! Apparemment on est seuls…Il fait tellement
bon ! Assied-toi. On parle un peu.
Christian s’assied et ne dit rien et puis…d’une voix horrible, très perçante
pour un homme
Wow !
Tu es si jolie ! J’t’adore !
Roxane :
Umm. Un peu prématuré...mais…euh dis-moi, vu qu’on se connaît juste par chat,
dis-moi quelque chose de toi, quelque chose que je n’sais pas.
Christian :
Aaaalors, oui, je suis étudiant…. et j’aime le football, oui ! Le FBC est
ma passion… Wow ! T’es vraiment super avec cette jupe !
Roxane :
Merci ! Le football ? Oh, désolée : moi je n’y comprends
rien ! Mais ok, tu m’avais écrit que tu étudies philosophie, n’est-ce pas ?
Ça te plait ?
Christian :
Toi, tu me plais ! Ahahah t’es presque mieux d’un match de foot !
Roxane :
un peu énervée
Non !
Non, s’il te plaît ! Ne parlons pas de football ! Tu m’as écrit que
tu aimes la musique et le theâtre...
Christian
à part : Ah bon ?
Ahhh oui, de
temps en temps ! Mais toi tu me plais ! je t’aime bien, tu sais ?
Roxane :
énervée
Mais alors, c’est
un refrain ! Qu’est-ce qui se passe ? Je ne comprends pas :
par chat tu me parles de philosophie, de musique, de Shakespeare et là, les seuls
sujets sont le football et mes jambes ?
Christian :
Eh mais, c’est pas de ma faute, si t’as de belles jambes !
Roxane :
très énervée
Ce n’est pas vrai,
je n’y crois pas ! Mais qu’est-ce que t’as fumé ?! No, écoute, je
n’ai pas de temps à perdre ! Elle
prend son Iphone et elle appelle quelqu’un. Salut Monique ! T’es
où ? Ok. Oui, j’arrive tout de suite !... Eh, je te
raconterai ! À tout à l’heure !
Christian :
Mais…mais tu me laisses comme ça ?
Roxane :
Tant mieux, non ? T’auras le temps d’aller regarder un match de foot !
Elle s’en va.
Edmond Rostand.
Edmond Eugène Alexis Rostand naquit à
Marseille le 1 avril 1868 et décéda à Paris le 2 décembre 1918. Après ses
études de droit à Paris il se décida pour la carrière d’écrivain. Son premier
succès arriva en 1894 grâce à Les
romanesques, pièce représentée à la Comédie française. Mais le vrai triomphe
vint seulement quand le grand acteur Coquelin lui demanda une pièce. Rostand
écrivit alors la célèbre comédie héroïque Cyrano de Bergerac.
Cyrano de Bergerac.
Représentée pour la première fois en
1897 au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, Cyrano de Bergerac est une des pièces
les plus populaires du théâtre français. Son auteur prit un grand risque en
composant cette comédie héroïque inspirée de la vie et de l’œuvre de l’écrivain
Savinien Cyrano de Bergerac, vécu au XVII siècle (1619- 1655). En effet la
pièce en V actes est très longue et comporte un nombre considérable de
personnages, de décors différents sont nécessaires entre un acte et l’autre (il y a
aussi une scène de bataille), le rôle du protagoniste est très difficile à
interpréter et exige un jeu éclectique, car Cyrano était en même temps poète
et soldat. Mais le choix du grand acteur Benoît-Constant Coquelin pour
l’interprétation du rôle principal garantissait la réussite. La pièce
triompha et fut saluée par un applaudissement de vingt minutes. Le succès fut
énorme en France comme à l’étranger et le personnage de Cyrano est aujourd’hui
célèbre dans le monde entier. Cyrano de Bergerac est unique en son genre. Écrite en vers alexandrins, la pièce se
caractérise par le mélange de genres et de registres en alternant scènes de
farce et scènes d’amour, moments intimes et moments collectifs, registre noble
et familiers. Fine épée et poète, toujours prêt aux actions téméraires,
courageux et généreux, Cyrano a su émouvoir le public grâce à son noble et malheureu
amour pour sa cousine Roxane, pour son intégrité morale, pour la négation de
toute forme de compromis, pour sa méprise des puissants et leurs abus.
L’importance de la cinquième scène du troisième acte.
Très importante au sein de l’intrigue,
cette scène est le prélude à la plus célèbre scène du Balcon, où Cyrano, caché, souffle ses belles phrases d’amour à son ami Christian, un très beau et
valeureux soldat, mais incapable de broder en jolies paroles ses sentiments. La
rencontre entre Roxane et Christian se termine par un échec. Roxane, belle
précieuse attirée par la beauté de Christian, est convaincue que le jeune
soldat est un bel esprit : elle ne sait pas que les belles paroles qu’elle
a lues dans ses lettres ont été écrites par son cousin Cyrano. Face à
l’incapacité expressive du cadet, la précieuse rentre chez elle en fermant la
porte au nez du pauvre soldat. Christian alors invoque l’aide de son ami
Cyrano qui, caché à l’ombre du balcon lui souffle les plus belles paroles
d’amour. Comme Christian est même incapable de les répéter, Cyrano décide de prendre sa place. C’est à ce moment-là que son éloquence, accompagnée par un vrai sentiment d’amour se fait émouvante. Sans la
scène précédente il n’y aurait aucun contraste entre l’impuissance de Christian
et la maîtrise de Cyrano.