Extrait de l’acte 2 – Scène 5 ou la
scène du « LE »
ARNOLPHE, bas, à part.
Tout cela n'est parti que d'une âme
innocente
Et j'en dois accuser mon absence
imprudente,
Qui sans guide a laissé cette bonté de
moeurs
Exposée aux aguets des rusés séducteurs.
Je crains que le pendard, dans ses voeux
téméraires,
Un peu plus haut que jeu n'ait poussé
les affaires.
AGNES
Qu'avez-vous? Vous grondez, ce me
semble, un petit.
Est-ce que c'est mal fait ce que je vous
ai dit?
ARNOLPHE
Non. Mais de cette vue apprenez-moi les
suites,
Et comme le jeune homme a passé ses
visites.
AGNES
Hélas! si vous saviez comme il était
ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le
vi,
Le présent qu'il m'a fait d'une belle
cassette,
Et l'argent qu'en ont eu notre Alain et
Georgette,
Vous l'aimeriez sans doute, et diriez
comme nous...
ARNOLPHE
Oui, mais que faisait-il étant seul avec
vous?
AGNES
Il disait qu'il m'aimait d'une amour
sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils
du monde,
Des choses que jamais rien ne peut
égaler,
Et dont, toutes les fois que je
l'entends parler,
La douceur me chatouille, et là dedans
remue
Certain je ne sais quoi dont je suis
tout émue.
ARNOLPHE, bas, à part.
O fâcheux examen d'un mystère fatal,
Où l'examinateur souffre seul tout le
mal!
(Haut.)
Outre tous ces discours, toutes ces
gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques
caresses?
AGNES
Oh! tant! il me prenait et les mains et
les bras,
Et de me les baiser il n'était jamais
las.
ARNOLPHE
Ne vous a-t-il point pris, Agnès,
quelque autre chose?
(La voyant interdite.)Ouf!
AGNES
Eh! il m'a...
ARNOLPHE
Quoi?
AGNES
Pris...
ARNOLPHE
Euh?
AGNES
Le...
ARNOLPHE
Plaît-il?
AGNES
Je n'ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre
moi.
ARNOLPHE
Non.
AGNES
Si fait.
ARNOLPHE
Mon Dieu! non.
AGNES
Jurez donc votre foi.
ARNOLPHE
Ma foi, soit.
AGNES
Il m'a pris... Vous serez en colère.
ARNOLPHE
Non.
AGNES
Si.
ARNOLPHE
Non, non, non, non. Diantre! que de
mystère!
Qu'est-ce qu'il vous a pris?
AGNES
Il...
ARNOLPHE, à part.
Je souffre en damné.
AGNES
Il m'a pris le ruban que vous m'aviez
donné.
A vous dire le vrai, je n'ai pu m'en
défendre.
ARNOLPHE, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais
apprendre
S'il ne vous a rien fait que vous baiser
les bras.
AGNES
Comment! est-ce qu'on fait d'autres
choses?
ARNOLPHE
Non pas.
Mais, pour guérir du mal qu'il dit qui
le possède,
N'a-t-il point exigé de vous d'autre
remède?
(Source du texte : http://clicnet.swarthmore.edu/litterature/classique/moliere/ef/ef.II.5.html.
Consulté le 20.01.2015)
L’œuvre « L’école des femmes »
est une comédie en alexandrins de Molière jouée la première fois au théâtre du
Palais-Royal le 26 décembre 1662. Cette pièce était à l’époque très controversé et suscita une série de
débats connu sous le nom de « Querelle de l’école des femmes ».
Ce dialogue est aussi important parce
que Arnolphe et le spectateur pensent à tort qu’Agnès parle du « le »
dans un sens sexuel qui fait allusion au mot « pucelage ». Mais au
grand soulagement d’Arnolphe, Agnès est encore vierge. A cette époque, il était
exceptionnel de parler du sexe au théâtre.
Cette scène fait surtout une chose : elle nous fait remettre en question
la situation des femmes à l’époque. Il y avait des mariages arrangés et les
femmes étaient souvent gardées stupides pour faire en sorte qu’elles obéissent
aux maris. Cette pièce nous montre que les sentiments sont à la fin plus forts
que la raison et Arnolphe cède sa place à Horace.
En effet, outre la référence à « L'École
des maris », « L'École des femmes » pouvait être comprise par le
spectateur des années 1660 comme une allusion à « L'École des filles »,
dialogue érotique de 1655 écrit par Michel Millot et immédiatement interdit,
mais dont des copies clandestines circulaient sous le manteau. Cet ouvrage est
considéré comme le premier roman sur le libertinage (Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89cole_des_filles.
Consulté le 20.01.2015).
La scène du le n’est pas la seule scène
obscène. Il y a plusieurs allusions obscènes comme celle d’Alain :
« La femme est en effet le potage de l’homme ; et quand un homme voit
d’autres hommes parfois, Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,
il en montre aussitôt une colère extrême. » Acte 2, Scène 3, v. 436-39.
Après tout, la scène du « le »
soulève aussi la question sur le rôle des femmes et de leur éducation. Cette
question reste actuelle dans notre société. Il y a des différences dues à la
biologie entre les femmes et les hommes. Cela est évident. Mais déjà l’exemple
du cours de gymnastique nous montre que nous ne pouvons pas toujours traiter et
éduquer les hommes et les femmes de la même manière sinon aucun des deux n’aurait
de plaisir en participant à ce cours. Quelle est donc l’éducation optimale pour
les femmes afin qu’elles puissent vivre une vie égale en droits ? Et qu’en
est-il des hommes ?