Interview de David Delacroix.
Plutôt qu'une
interview cela a été une très belle discussion sur le monde de la musique, sur la musique
dans le monde, sur les difficultés et les joies d’un métier qui est un peu
comme l’amour selon Verdi : « Croce e delizia al cor ».
A l’occasion
d’une conversation avec mon cher ami David Delacroix, premier violoncelle solo
à l’orchestre symphonique de Bâle, musicien affirmé, et francophone, je lui ai
demandé de me raconter quand il avait décidé de jouer de ce merveilleux
instrument. C’est à l’âge de 5 ans, alors que sa mère l’avait emmené pour
assister à un concert de musique de chambre au théâtre de Bordeaux, qu’il découvre
la musique. Face aux instruments à corde et au piano il reste tellement fasciné
qu’une fois sorti du concert, il déclare : « Je serai violoncelliste ».
Il suit les étapes pour apprendre à jouer et à connaitre
l’instrument : d’abord dans une petite école de quartier ; puis dans
un petit conservatoire ; ensuite dans un conservatoire plus prestigieux.
A 18 ans il est reçu au Conservatoire Supérieur de Paris, le plus renommé de
France. C’est justement là, au cours de ses 6 années d’études, qu’il commence
à faire ses premiers remplacements dans différents orchestres en cas d’absence
des musiciens fixes. Ensuite il gagne son premier objectif : le concours
pour le poste de premier violoncelle solo à Bordeaux, sa ville natale. Conscient
d’être à la fois très doué et très chanceux, car la compétition est extrême et les concours ne sont pas fréquents, il n’hésite pas à laisser cet
emploi pour un autre, loin de Bordeaux, à l’étranger. Il quitte ce poste fixe dans sa ville d’origine pour un poste à
l’orchestre de l’Académie philharmonique de Berlin, où il reste deux années. Un
bon choix, jamais regretté. Deux années d’études supplémentaires dans la
capitale allemande lui offrent une expérience fondamentale et l’occasion de
connaître des personnages extraordinaires du milieu musical. Enfin, il gagne à nouveau
un concours pour premier violoncelle solo à l’Orchestre de Bâle, position qu’il
occupe actuellement.
Un long
parcours plein d’épreuves à surmonter. Ténacité et constance, unies à l’amour
pour la musique, sont les atouts nécessaires. David déclare d’avoir eu de la
chance : les concours organisés par les orchestres ne sont pas facile à
gagner. Ceux qui n’y arrivent pas, même musiciens excellents, pour ne pas
renoncer à la musique, continuent à exercer leur profession en tant que free lance.
La plupart n’a pas de famille. C’est bien risqué de concilier une famille avec
un travail sans salaire fixe et contrat de travail. A ce sujet, je lui demande s’il n’a pas eu des
moments de découragement ou de doute sur la voie entreprise, s’il n’a jamais
été tenté de choisir un métier où l'emploi est plus sûr. Il me répond
qu’heureusement pour lui la question ne s’est jamais posée : il a toujours
eu « l’immense chance » de réussir à atteindre le but qu’il s’était
fixé. Malheureusement, ceux qui n’y arrivent pas, n’ont pas une vie facile.
Celui de la musique est un monde difficile, mais, en même temps
merveilleux.
-Quel est l’aspect que tu aimes
le plus dans ton travail ? – je lui demande.
- J’aime chaque minute passé avec
mon violoncelle. – est sa réponse.
La musique
est pour lui une source de joie, l’accomplissement du rêve qu’il poursuivait
depuis son enfance, renouvellé chaque jour et comblant sa vie. La
musique lui a donné un langage avec lequel communiquer « toute une palette
de sentiments et d’émotions, sans parler mais dans une autre langue, qui est
universelle ». C’est en cela que la musique l’a enrichi. Tous ne sont pas capables, en jouant, de communiquer
quelque chose. Il ne suffit pas d’être
un bon instrumentiste pour être un bon musicien ! Il faut avant tout aimer la
musique, savoir éprouver et transmettre des émotions à ceux qui écoutent. Le travail, la technique, oui, mais c’est le
talent qui fait la différence : ce don unique, inné, qu’on ne peut pas
apprendre.
Dans notre monde globalisé et centré
sur les chiffres et la technique, l’art et la culture sont de plus en plus
négligés et mises de côté. Alors pourquoi cela vaut-il la peine de cultiver la
musique ? Il me répond que tout ce qui nous donne encore des émotions,
même économiquement non quantifiables, représente un bien inestimable et
indispensable à « la tranquillité de l’âme ».
Il aime la musique et sa profession, mais cela comporte des sacrifices aussi. Une vie bien compliquée que celle de David,
violoncelliste à Bâle, et de sa femme Bella, professeur de Russe à la Sorbonne
de Paris. Pour ne pas oublier leurs deux merveilleux petits enfants ! Une vie
partagée entre les voyages et les baby-sitters, les horaires des trains et de
la crèche. Mais tous les deux sont bien
heureux d’avoir un travail qui les passionnent et qui les valorisent. Bien sûr
leur rêve est de pouvoir travailler dans la même ville ! En attendant, ils
sont ravis de se réaliser entièrement en faisant ce qu’ils aiment.
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