jeudi 4 décembre 2014

Performance, Nurgül


L’Étranger (1942), Albert Camus
L’Étranger est un roman de fameux écrivain et philosophe Albert Camus, un représentant important de la littérature française et l’existentialisme du XXième siècle. A l’époque, ce roman avait joui d’un grand succès, qui se maintient jusqu’à aujourd’hui, une lecture obligatoire dans les écoles. Albert Camus a provoqué une rupture dans la littérature française, car il a été l'un des premiers auteurs qui ont utilisé le passé composé dans un roman. L’œuvre thématise la vie du protagoniste Meursault qui se termine avec la condamnation à mort. Meursault est un jeune homme qui vit dans Algérie des années 30. On n’a pas beaucoup d’indications sur son aspect physique, car il n'est jamais décrit. Cependant, on sait qu’il travaille comme fonctionnaire dans un bureau et mène pratiquement une vie routinière dans laquelle des aventures amoureuses jouent également un rôle important. La caractéristique la plus frappante est l’indifférence omniprésente du protagoniste. Il se montre indifférent à la mort de  sa mère, au sexe et jusqu'à la prononciation de la mort. Par les premières phrases déjà, on a l’impression que tout lui est égal. Cette caractéristique intentionnellement choisie expose la théorie de l’absurdité, un domaine philosophique auquel se dévouait l’écrivain. Meursault est en fait l’incorporation de l’homme absurde. 

Le style
Comme le contenu le style de ce roman est d'un grand intérêt. Albert Camus se sert d’une langue assez sèche, froide et sans émotions. Les phrases sont minimalistes et plutôt descriptives. L’auteur a écrit ce roman comme si c’était un journal intime pour mieux montrer le désintérêt lourd que voue au monde sur le protagoniste. Il s’éloigner de toutes sortes des émotions et le texte obtient ainsi un air neutre.

L’Étranger (1942), Albert Camus
Première partie
Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » Il n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J'ai pris l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit : « On n'a qu'une mère. » Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.
J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » pour n'avoir plus à parler.
L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied. J'ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. Comme il était occupé, j'ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite, j'ai vu le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec la Légion d'honneur. Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai cru qu'il me reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a interrompu : « Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était plus heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. » Il a ajouté : « Vous savez, elle avait [12] des amis, des gens de son âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. »

Source : Albert Camus, L’Etranger, Reclam (2003), p.3-5



Le pastiche
Je vais modifier cette partie initiale de l’étranger afin de lui donner une marque différente. J’ai choisi le début du roman puisque on y voit très bien l’indifférence que je viens de mentionner. Ce trait de caractère m'étonne tellement que je vais m'y confronterque. Dans ce qui suit je vais prétendre être Meursault et je vais m’imaginer comment je réagirais si je perdais ma mère. Je vais renverser les réactions de Meursault et les rendre moins froides.   En outre, comme l’intrigue se déroule dans les années 30, je vais actualiser l’œuvre en la transposant à notre temps. Néanmoins, je vais essayer de garder le style non orné de Camus et la plupart des phrases originales.

L’Étranger, Version modifiée
Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un coup de téléphone de l’asile : «Monsieur Meursault, nous sommes vraiment désolés de vous dire que votre mère ait décédée, venez faire vos adieux demain.»
 L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il m’a donné son approbation. Il avait l’air vraiment triste quand je lui ai raconté que maman était morte. Je lui ai même dit : «Ce n’est pas de notre faute.» Il a répondu par un «oui» fatigué. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. Je ne savais pas que sa mère était morte aussi récemment. En somme, je ne savais pas si je devais m’excuser ou pas. Pourtant, c’était très gentil de sa part qu’il m’ait présenté ses condoléances. J’ai enfilé des vêtements de deuil dès qu’ ils m’ont appelé de l’asile. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte, je ne le comprends toujours pas. Je pense qu’après l’enterrement, je réaliserais certainement qu’elle s’en est allée pour toujours.
J'ai pris l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit : « On n'a qu'une mère. » J’ai dit: « Tu as raison et j’ai dû pleurer après ses mots.» Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu étourdi parce que je ne savais pas comment composer avec cette douleur que ma mère avait laissée derrière.
J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre mon voisin qui m'a souri et qui m'a demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » et nous avons parlé un peu. Après cette petite conversation j’ai pris congé poliment et je me suis mis en route.

L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied. J'ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. Comme il était occupé, j'ai attendu un peu. Pendant tout ce temps, le concierge m’a parlé des nouveautés de Marengo pour me faire oublier la perte de ma mère. Car il savait combien je l’aimais. Ensuite, j'ai vu le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec la Légion d'honneur. Il m'a regardé de ses yeux clairs et compatissants. J’ai pensé alors qu’il avait dû voir que j’avais pleuré pendant tout le chemin. Puis il m'a serré la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la retirer. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai hoché la tête silencieusement. Après il a ajouté: « Je sais que vous aviez une relation très intime, mon cher enfant. Ne vous faites pas des reproches. J'ai lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait, elle était vraiment heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. » Il a ajouté : « Vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. »

__  *modifié par moi

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