jeudi 29 janvier 2015

Rencontrer - Valérie

Entre deux langues - Avec deux langues

J'ai grandi à Bâle, en apprenant le français et l'allemand presque simultanément. En grandissant, je me suis rarement posée des questions sur ces capacités - pour moi, cette dualité était naturelle, m'aidait en classe et me donnait un élément de distinction, si importante à l'âge de l'adolescence où chacun cherche à définir ses marques. Tout naturellement, la langue française s'est cristallisée en tant que langue familiale, langue dans laquelle je me sens bien, et c' est donc la langue que je parle avec mes propres filles, au sein de ma propre famille.
Depuis quelque temps, je me pose la question sur l'importance de mon bilinguisme dans la construction de mon identité. En apprenant une langue, n'apprend-on pas également une culture? Quels éléments peuvent être transmis par la langue? En parlant avec ma maman, qui elle aussi est bilingue  français / allemand, je suis partie à la recherche d'éventuelles réponses à ces questions..

L'histoire de la partie maternelle de ma famille commence à Paris, lieu de naissance et de vie de ma Grand-Maman, jusqu'à ce qu'elle rencontre son futur mari, un Bernois bilingue grâce à sa propre maman romande. Leur vie commune s'installe à Bâle, leurs trois filles, dont ma maman, parlent le français à la maison et le suisse-allemand à partir de leurs 5 ans, âge du début à l'école suisse du quartier. Le cursus de ma maman se poursuit en Suisse, jusqu'au études qu'elle effectue à Bâle en allemand et à Genève en français. La co-présence des langues se poursuit, et avec ceci une co-présence de deux cultures. Une éducation très à la française est maintenue à la maison, pendant que la scolarité et par là les contacts sociaux sont marqués par le suisse-allemand. À quel côté se sent-on appartenir, demandais-je à ma maman. Ou en revanche - faut-il effectivement se poser cette question? Ne réunit-on pas les deux cultures en parlant les deux langues, sans devoir trancher et se décider à quel cercle culturel on appartient?

"Ma maman n'a jamais appris l'allemand parce qu'elle n'a jamais dû l'apprendre", me résume ma maman lors de notre conversation. Effectivement, à Bâle, la pluralité des langues n'a rien de surprenant et la proximité à la France semble maintenir la co-existence de l'allemand avec le français. Une communauté francophone existe et se retrouve grâce à de nombreuses activités organisées. La Française d'origine qu'est ma Grand-Maman n'avait donc pas la nécessité de s'intégrer à la Suisse grâce à l'outil qu'est la langue parlée dans le pays d'expatriation. Ma Grand-Maman est donc toujours restée la Française qu'elle était, ce qui est aujourd'hui encore très important pour elle. Elle a pour ce également voulu transmettre la culture française à ses filles - que ce soit un intérêt culturel affiné, ou le goût pour la cuisine équilibrée typiquement française. Inclus le fromage en fin de repas! Avec la langue fut donc transmis une culture, ou du moins une partie.

Grâce à la vie scolaire et sociale, ma maman prend connaissance de l'allemand et du suisse-allemand - dont elle dit qu'il a d'abord longtemps été en retrait par rapport au français. Bien que l'apprentissage de l'écriture et de la lecture se passait en allemand, des problèmes d'expression restaient. Cette inégalité se disperse au fil du temps des études, depuis lesquelles ma maman dit se sentir également à l'aise dans les deux langues. Aujourd'hui, aucune préférence envers l'une des langues n'existe - mais peut-être un sentiment d'appartenance plus forte d'un côté ou de l'autre? Ayant passé toute sa vie en Suisse, ayant un cercle social suisse, le sentiment d'appartenance pencherait peut-être de ce côté?

Ce sentiment, cette décision est probablement différente de personnalité à personnalité, même en comparant celles ayant le même parcours. Souvent, une différence de niveau entre les deux langues se fait remarquer, ce qui peu entraîner une proximité  envers une langue et donc une culture. Pour ma maman, qui parle et écrit d'un très bon niveau en français et en allemand, aucune préférence ne survient. "C'est une richesse", me dit-elle en fin de notre interview. Et qu'elle ne s'est jamais posée la question d'appartenir plus au côté français qu'au côté allemand. La langue transmet peut-être certains éléments culturels du pays dont elle provient, mais l'éducation et la vie sous le signe de cette culture ont une influence bien plus grande que le simple  fait de parler  la langue. Le bilinguisme de ma maman l'a, à ses yeux, ouverte au monde, à ses différences, et ne représente pas une dualité opposante. "Je ne me sens pas plus Suisse que Française", me dit-elle, "tout comme je ne me sens pas plus Française que Suisse". C'est à la limite au niveau papier, c'est-à-dire les passeports, sujet que nous effleurons lors de notre conversation, qui décide de notre appartenance à un pays et donc a une culture. Mais au niveau individuel, chacun peut choisir, ou choisir de ne pas choisir.

Lien pour l'audio:
http://www.divshare.com/download/26756752-b3e



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