Interview
à Silvio Berlusconi par Jean-Pierre Elkabbach de Europe1.
Synthèse.
L’interview de Silvio Berlusconi par Jean-Pierre
Elkabach date de la fin du 2013. A ce moment-là, Enrico Letta est le Président
du conseil italien des ministres tandis que Berlusconi (impliqué dans différents
procès pour corruption, fraude fiscale et prostitution de mineurs) est
momentanément disparu de la scène politique italienne, à cause d’une loi du
gouvernement précédent, celui de Mario Monti, qui avait décrété l’interdiction
de l'exercice de la fonction publique dans le cas de condamnations pour certains crimes (administratif ou pénal). Comme il n’est pas résigné à rester à l’écart,
Berlusconi se plaint de la sentence d’interdiction, prononcée, selon lui, à
toute vitesse. Quand le journaliste lui demande s’il reste encore le chef de
son parti, Berlusconi répond que son leadership n’est pas en discussion et que
ses partisans, à travers la fondation de 12000 clubs de Forza Italia sur tout le territoire
italien, ont l’intention de s’assurer la fidélité des citoyens pas encore
passés à la gauche. Il admet être en campagne électorale : son but est
d’obtenir de nouvelles élections politiques nationales. Quand Jean-Pierre
Elkabbach lui fait remarquer que Letta a obtenu la confiance des députés et que des
élections anticipées peuvent mettre en cause la stabilité du pays, le
Cavaliere répond qu'il est le seul Président du conseil qui a su gouverner pour
une longue période en garantissant la stabilité. Le journaliste lui pose alors
la question si la sentence d’interdiction a été un choc et Berlusconi réplique
qu’il s’agit d’un coup d’état. Jean-Pierre Elkabbach lui demande si
il faut considérer comme un coup d’état le fait de n’être pas d’accord avec
Berlusconi ou le fait qu’on le punit. Le Cavaliere réplique qu’il y a un coup
d’état quand un pays est gouverné par des hommes qui n'ont pas été élus. Quand le journaliste
lui demande s’il a peur d’aller en prison, le politicien réplique que non et
que, si le cas se présentait, il y aurait une révolution dans le pays. Il insiste sur sa
condition de persécuté par le pouvoir des juges au service de la gauche. Le
journaliste lui fait noter que le grand nombre de procès (57) dans lesquels il
est impliqué ne peut pas être raisonnablement une pure coïncidence; Berlusconi
répond qu'il a déposé un recours pour un de ses procès à la cour du Luxembourg.
Quant aux soirées dans sa maison avec de jeunes prostituées, il se défend en
disant qu’il s’agissait simplement de dîners élégants. A la question s'il garde un bon souvenir
de Nicolas Sarkozy, le Cavaliere préfère ne pas répondre.
Typologie.
L’extrait contient l’interview classique entre un
journaliste et un politicien. Après les formules de politesse et les saluts,
Jean-Pierre Elkabbach pose des questions qui ont un ordre précis de progression
informationnelle. Indépendamment des réponses de son interlocuteur, passant d’un
thème à l’autre, il sait très bien où il veut arriver. La question la plus
importante, celle sur ce qu'est vraiment un coup d’état, implique un jugement sur l’aptitude de victime et d’arrogance de
Berlusconi face à la justice italienne et à ses détracteurs.
Transcription. 4 :48.
J : Silvio Berlusconi euh
bonjour et merci de recevoir Europe un dans votre bureau (.) chez vous à
Rome.
B : MeRci à vous Mr. El
euh kabbach (.) meRci.
J : Est-ce que Silvio
Berlusconi existe encore.
B : Je suis (.) là (.)
je suis^encore (.) au tRavail h, je suis encore plein: euh de vie h (.) et je
tRouve que votre demande (..) c’est mal posé(e).
J : ah bon°. Vous
n’prenez pas votr’retraite. Vous n’abandonnez pas / l:e combat
politique/
B : Absolument.
J : Est-ce que vous^envisagez
de conduire votr’ parti aux prochaines^ élections européenne(s)?
B : J’espÈre avant euh de
dire que je je suis pas dans la possibilité d’êtRe candidat /de (h) euh
réussir/ dans peu de temps (.) à voir (.) une révision (.) de la sentence (.) politique absolument injuste et qui a été euh la
fin: d’un parcours incroyable (.) comme vitesse parce que en houit mois quand
normalement avec la justice italienne on a besoin d’avoir houit ans (.) minimumm.
J : Mais euh aujourd’hui
vous n’êtes plus sénateur/ (.) vous n’êtes plus élu/ Est-ce que vous restez le
chef de votre parti.
B : Oui, sans doute / Je
s suis et je serai encore président de mon parti / Maintenant il:s^ont demandé
mes supporters de les appeler « Forza Silvio » avec ces 12000 club(s)/
euh on a l’intention de (.) produire une effort de con: de promotion de
conviction vis-à-vis de les vingt-quatRe millions euh d’italien:(s)/ qui ont la
possibilité de voter/ et qui n’ont (.) sont pas^encore euh dévoués (.) à la
gauche.
J : Est-ce que euh vous^êtes
donc (.) en campagne électorale et politique (.) maintenant.
B : Oui.
J : Est-ce que vous
réclamez des élections anticipées en effet.
B : Oui. On a besoin
maintenant de laisser euh ce qui se passe en Italie aves un gouvernement qui
n’est plus le gouvernement élu (.) par le peuple/ et on a euh la date (.) le vingt-quatRe
de may. pour les élections pouR l’Europe/ et euh nous demandons d’avoir la
possibilité/ dans le même jour d’avoir des élections (.) pour l’Italie.
J : C’t à dire
européennes/ et des^élections nationales.
B : [et/] [nationales.]
J : Mais vous vous
critiquez le gouvernement mais mercredi à Rome EnRico Letta euh a obtenu un
vote de confiance des députés.
B : [oui euh.]
J :
euh est-ce que vous pensez que ce gouvernement peut tenir.
B : Non (.) je pense que
ce gouvernement n’a pas tenu euh les choses qu’il avait promis/ aux gens/
J : Mais est-ce que j’
peux vous dire qu’avec des élections anticipées (.) est-ce que vous n’augmentez
pas l’instabilité la fragilité de l’Italie. (..) et de l’Europe.
B : Je pense que euh ce
fait de l’instabilité c’est quelque chose qu’on a voulu mettRe euh sur la table
mais qui n’existe pas en Italie on a eu (.) dans les précédents cinquante ans
au jour de (.) dans lequel je suis descendu sur le terrain: (.) on a eu quelque
chose comme des gouvernements (.) qui changeaient (.) chaque (.) onze (.) mois
(.) Je suis le citoyen:^italien: qui a été pur plus de temps au gouveRnement.
J : Pourtant (.) Silvio
Berlusconi vous n’avez pas pu empêcher le sénat et les sénateurs italiens de
voter votre déchéance (.) (h) quand vous l’avez ressenti. est-ce que ça vous^a
fait un choc. Ou vous vous y attendiez/ (.) est-ce que vous avez été
B : [h Non
non non on était euh]
J :
[euh on
vous a dit je l’ai mérité aussi.]
B : Non hhh je le méRité
(.) c’est exactement le contRaire. C’est (.) quelque chose qui on peut bien
nommer Coup (.)d’Etat. Le parti communiste voulait à
partir de quatRe-vingt-douze avoir la possibilité de prendr’ le pouvoir (.)
définitivement/ (.) J’ai euh (.) eu la possibilité de ne le pas (.)
RendRe possible et maintenant il euh
J : [Mais
vous n’avez pas pu réformer la justice. vous n’avez pas pu réformer la justice.
B : [parc’
que] (.)
J : [Est-ce
que ça veut dire que quand on n’est pas d’accord avec S:ilvio Berlusconi et quand
on le punit/ on a tort ou on fait un coup d’état parce que c’est grave
de dire un coup d’état.
B. : Non non c’est euh (.) on a pas eu seulement un
coup d’état. a partir de il y a vingt ans on a eu quatRe coups (.) d’état.
Qu’est-ce que c’est un coup d’état selon moi/ C’est quand (.) un pays (.) n’est
pas (.) gouverné (.) par euh les hommes élus par le peuple.
Analyses grammaticales.
L’interview nous offre la possibilité d’examiner une conversation exolangue, c’est-à-dire, une conversation entre un sujet expert de la langue française et un sujet qui s’exprime en une langue seconde. Berlusconi parle assez bien le français, mais il ne le maîtrise pas parfaitement. Il a difficulté, parfois, à prononcer les voyelles nasales, la voyelle « u » et la consonne « r ». Il parle très lentement en faisant des pauses et en utilisant une intonation montante presque à chaque mot. Il se sert aussi de plusieurs stratégies comme les périphrases pour faire face à ses lacunes lexicales ou de termes généraux comme « chose ». Il fait aussi une traduction littérale de l’expression italienne « sono sceso in campo » qui devient en français « je suis descendu sur le terrain ». La faute la plus éclatante a lieu au début de l’interview quand Berlusconi dit « votre question c’est mal posée ». L’énoncé est agrammatical parce qu’il contient deux sujets « votre question » et « cela est ».
L’interview nous offre la possibilité d’examiner une conversation exolangue, c’est-à-dire, une conversation entre un sujet expert de la langue française et un sujet qui s’exprime en une langue seconde. Berlusconi parle assez bien le français, mais il ne le maîtrise pas parfaitement. Il a difficulté, parfois, à prononcer les voyelles nasales, la voyelle « u » et la consonne « r ». Il parle très lentement en faisant des pauses et en utilisant une intonation montante presque à chaque mot. Il se sert aussi de plusieurs stratégies comme les périphrases pour faire face à ses lacunes lexicales ou de termes généraux comme « chose ». Il fait aussi une traduction littérale de l’expression italienne « sono sceso in campo » qui devient en français « je suis descendu sur le terrain ». La faute la plus éclatante a lieu au début de l’interview quand Berlusconi dit « votre question c’est mal posée ». L’énoncé est agrammatical parce qu’il contient deux sujets « votre question » et « cela est ».
Explication.
N’étant point habitué aux journalistes non asservis, qui font leur métier et qui posent des vraies questions, Berlusconi
semble être en difficulté dès le début. Ainsi, bien conscient de ne pas pouvoir
échapper aux questions en accusant le journaliste d’être un communiste ou en
abandonnant l’interview, il tente, avec parcimonie et évitant ses fameuses
blagues, l’arme de l’humour. Il faut admettre que les questions du
journaliste ne sont pas vraiment insidieuses, car il n’insiste pas beaucoup et il
n’interrompt jamais son interviewé. Tous les chevauchements, très peu en
vérité, sont dus à Berlusconi. Le Cavaliere maîtrise assez
bien le français : petits défauts de prononciation à part, il fait très
peu de fautes.
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