mardi 20 janvier 2015

5 - Performer, Lukas Weber



Extrait de l’acte 2 – Scène 5 ou la scène du « LE »



ARNOLPHE, bas, à part.
Tout cela n'est parti que d'une âme innocente
­Et j'en dois accuser mon absence imprudente,
Qui sans guide a laissé cette bonté de moeurs
Exposée aux aguets des rusés séducteurs.
Je crains que le pendard, dans ses voeux téméraires,
Un peu plus haut que jeu n'ait poussé les affaires.

AGNES
Qu'avez-vous? Vous grondez, ce me semble, un petit.
Est-ce que c'est mal fait ce que je vous ai dit?

ARNOLPHE
Non. Mais de cette vue apprenez-moi les suites,
Et comme le jeune homme a passé ses visites.

AGNES
Hélas! si vous saviez comme il était ravi,
Comme il perdit son mal sitôt que je le vi,
Le présent qu'il m'a fait d'une belle cassette,
Et l'argent qu'en ont eu notre Alain et Georgette,
Vous l'aimeriez sans doute, et diriez comme nous...

ARNOLPHE
Oui, mais que faisait-il étant seul avec vous?

AGNES
Il disait qu'il m'aimait d'une amour sans seconde,
Et me disait des mots les plus gentils du monde,
Des choses que jamais rien ne peut égaler,
Et dont, toutes les fois que je l'entends parler,
La douceur me chatouille, et là dedans remue
Certain je ne sais quoi dont je suis tout émue.

ARNOLPHE, bas, à part.
O fâcheux examen d'un mystère fatal,
Où l'examinateur souffre seul tout le mal!
(Haut.)
Outre tous ces discours, toutes ces gentillesses,
Ne vous faisait-il point aussi quelques caresses?

AGNES
Oh! tant! il me prenait et les mains et les bras,
Et de me les baiser il n'était jamais las.

ARNOLPHE
Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose?
 (La voyant interdite.)
Ouf!

AGNES
Eh! il m'a...

ARNOLPHE
Quoi?

AGNES
Pris...

ARNOLPHE
Euh?

AGNES
Le...

ARNOLPHE
Plaît-il?

AGNES
Je n'ose,
Et vous vous fâcherez peut-être contre moi.

ARNOLPHE
Non.

AGNES
Si fait.

ARNOLPHE
Mon Dieu! non.

AGNES
Jurez donc votre foi.

ARNOLPHE
Ma foi, soit.

AGNES
Il m'a pris... Vous serez en colère.

ARNOLPHE
Non.

AGNES
Si.

ARNOLPHE
Non, non, non, non. Diantre! que de mystère!
Qu'est-ce qu'il vous a pris?

AGNES
Il...

ARNOLPHE, à part.
Je souffre en damné.

AGNES
Il m'a pris le ruban que vous m'aviez donné.
A vous dire le vrai, je n'ai pu m'en défendre.

ARNOLPHE, reprenant haleine.
Passe pour le ruban. Mais je voulais apprendre
S'il ne vous a rien fait que vous baiser les bras.

AGNES
Comment! est-ce qu'on fait d'autres choses?

ARNOLPHE
Non pas.
Mais, pour guérir du mal qu'il dit qui le possède,
N'a-t-il point exigé de vous d'autre remède?



L’œuvre « L’école des femmes » est une comédie en alexandrins de Molière jouée la première fois au théâtre du Palais-Royal le 26 décembre 1662. Cette pièce était à l’époque  très controversé et suscita une série de débats connu sous le nom de « Querelle de l’école des femmes ».

Ce dialogue est aussi important parce que Arnolphe et le spectateur pensent à tort qu’Agnès parle du « le » dans un sens sexuel qui fait allusion au mot « pucelage ». Mais au grand soulagement d’Arnolphe, Agnès est encore vierge. A cette époque, il était exceptionnel de parler du sexe au théâtre.  Cette scène fait surtout une chose : elle nous fait remettre en question la situation des femmes à l’époque. Il y avait des mariages arrangés et les femmes étaient souvent gardées stupides pour faire en sorte qu’elles obéissent aux maris. Cette pièce nous montre que les sentiments sont à la fin plus forts que la raison et Arnolphe cède sa place à Horace.
En effet, outre la référence à « L'École des maris », « L'École des femmes » pouvait être comprise par le spectateur des années 1660 comme une allusion à « L'École des filles », dialogue érotique de 1655 écrit par Michel Millot et immédiatement interdit, mais dont des copies clandestines circulaient sous le manteau. Cet ouvrage est considéré comme le premier roman sur le libertinage (Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27%C3%89cole_des_filles. Consulté le 20.01.2015).
La scène du le n’est pas la seule scène obscène. Il y a plusieurs allusions obscènes comme celle d’Alain : « La femme est en effet le potage de l’homme ; et quand un homme voit d’autres hommes parfois, Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts, il en montre aussitôt une colère extrême. » Acte 2, Scène 3, v. 436-39.

Après tout, la scène du « le » soulève aussi la question sur le rôle des femmes et de leur éducation. Cette question reste actuelle dans notre société. Il y a des différences dues à la biologie entre les femmes et les hommes. Cela est évident. Mais déjà l’exemple du cours de gymnastique nous montre que nous ne pouvons pas toujours traiter et éduquer les hommes et les femmes de la même manière sinon aucun des deux n’aurait de plaisir en participant à ce cours. Quelle est donc l’éducation optimale pour les femmes afin qu’elles puissent vivre une vie égale en droits ? Et qu’en est-il des hommes ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire